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Le lazaret de la Grande Chaloupe

Ce lieu de la Réunion n’existe plus, ou du moins plus tel quel.

Il s’agissait du lazaret de la Grande Chaloupe, une ruine chargée d’histoire et de mémoire. C’est dans ce minuscule bâtiment, ainsi qu’un autre à quelques centaines de mètres, que le gouvernement colonial réunionnais entassait, les uns sur les autres, les travailleurs immigrants pour les mettre en quarantaine.

Majoritairement d’origine indienne (de la côte de Malabar), ces travailleurs engagés devaient remplacer, dans les plantations, les esclaves devenus libres. Leur sort était à peine plus enviable : s’ils avaient le droit de garder leurs croyances (quelle générosité n’est-ce pas !), leurs conditions de travail et leur paie étaient quasiment de l’esclavage déguisé, et ils étaient liés par contrat à leur maître pour une durée de 5 ans. En réalité, tout était fait pour qu’ils ne puissent s’affranchir de leur condition. (Certains malbars sont devenus très riches par la suite, mais j’ignore cette partie de l’histoire de l’île, et les moyens par lesquels ils y sont parvenus.)

Bien qu’il fût abominablement infesté de moustiques, j’adorais rendre visite à ce lieu secret, et contempler ce magnifique banian qui avait poussé sur les ruines. Par un heureux hasard, il se trouve que cet arbre est sacré pour les hindous. Certains croyants venaient encore, à l’occasion, rendre hommage à leurs ancêtres, en décorant de chiffons rouges et de crânes de bouc, la fontaine asséchée dans l’ancienne cour.

Aujourd’hui, le lieu a été condamné par le département, pour un projet de rénovation. Si j’ai bien compris, il est prévu que le bâtiment soit remis à neuf et accessible en tant que musée, comme ça a été fait pour l’autre. Si l’intention est louable, je ne peux m’empêcher de pleurer sur la disparition de cet arbre, et par l’inévitable effacement des âmes qui semblent encore habiter les lieux, telles des présences invisibles mais quasi palpables…

(Photo réalisée en moyen format argentique, sur film Ilford HP5.)

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