« Je me suis senti tellement puissant ! C’était incroyable de sentir la force de la cascade derrière moi comme ça… » Iel se rhabille, tandis que je range mon matériel. À son sourire d’enfant, sa joie communicative, je vois bien qu’iel n’exagère pas. Aussi bien pour lui que pour moi, cet instant a été décisif.
Pendant des années, je me suis demandé ce que j’allais faire de ma série Symbiose. Pour beaucoup de monde, ces photos ont été ma marque de fabrique, celles qui m’ont fait connaître au début de ma carrière. Mais après avoir vécu, dans ma chair, la pression qu’on peut subir en tant que femme sur notre physique, j’ai eu honte d’avoir fait ces photos. Honte de n’avoir choisi que des modèles normatif·ve·s : jeunes, minces, valides, cisgenres*, à la pilosité entretenue, et d’une beauté classique selon les stéréotypes occidentaux. Certes, certain·e·s de mes modèles n’étaient pas blanc·he·s, mais ça aurait quand même été une hypocrisie suprême de ma part, d’être raciste à ce point en vivant à la Réunion.
En faisant et publiant ces photos, j’ai propagé les conditionnements aphrodistes occidentaux : le culte inhumain d’une beauté construite de toutes pièces. J’ai fait partie du problème. Lorsque j’en ai pris conscience, j’ai failli supprimer toutes ces photos. Cependant, j’y étais attachée, et je n’ai jamais pu m’y résoudre. J’ai continué à les présenter, en les accompagnant d’un texte d’avertissement.
Évidemment, mes ancien·ne·s modèles n’y sont pour rien si leurs corps entraient dans ces normes. Je ne les remercierai jamais assez d’avoir bien voulu contribuer à ce projet, d’autant plus que toutes sauf une (les hommes n’étaient pas concernés) complexaient malgré tout sur leur physique, d’une manière ou d’une autre.
Aujourd’hui, je vous présente donc le renouveau du projet Symbiose, avec une personne non binaire. Elle ne se sent pas uniquement femme, et comme vous avez pu le constater, elle utilise alternativement le masculin, le neutre ou le féminin pour se désigner. Parce qu’il est important pour nous de nous voir représenté·e·s de manière positive, j’espère qu’elle ne sera pas la dernière personne transgenre à participer à ce projet. Je ne sais pas encore quelle direction va prendre cette série désormais, mais une chose est sûre : je ne sélectionnerai plus mes modèles sur la base de critères aphrodistes.
Si vous avez envie de participer au projet, et que vous êtes à la Réunion, n’hésitez pas à me contacter. Quel que soit votre âge, votre morphologie, votre genre, votre pilosité ou que sais-je encore, j’espère juste que le courant passera entre nous, et que vous n’êtes pas frileux·se. À bientôt peut-être ! 🙂
(* Une personne cisgenre est celle qui s’identifie au genre qui lui a été assigné à la naissance. Ex : une femme née femme, ou un homme né homme. C’est le contraire d’une personne transgenre.)
Merci mille fois aux personnes qui me soutiennent sur Tipeee, et sans qui mon travail ne serait pas possible : https://fr.tipeee.com/diane-rainard